On s’en doutait un peu après les annonces de ces derniers
jours sur la résiliation du bail du Virgin Mégastore Champs Elysées : une
enseigne qui envisage de se séparer d’un point de vente réalisant 20% de son CA
ne doit pas être en pleine forme. La confirmation est venue la semaine
dernière : Virgin s’est déclaré en cessation de paiement, et a déposé son
bilan ; on peut craindre que comme pour Surcouf il n’y ait pas pléthore de
repreneurs.
On reviendra dans un prochain post sur l'offre de "souk culturel" de Zelnik.
Les comparaisons françaises et internationales doivent
cependant être maniées avec précaution. Les mégastores Virgin se caractérisent
par une forte prévalence de l’offre culturelle ; les extensions sur le
loisir créatif, le high tech image et son n’ayant pas été franchement convaincantes.
Ils étaient donc principalement sur les marchés livres, musique/ vidéo et
gaming, qui sont tous en forte régression. Et même à l’intérieur de cet
ensemble, leur situation restait difficile puisqu’ils n’ont jamais réussi à
atteindre une réelle légitimité sur la librairie (à ce qu’on sache, aucune
grosse chaîne de librairie ne s’est encore déclarée en faillite malgré les
récriminations incessantes…) et restaient connotés musique/vidéo, ce qui était
clairement le pire créneau.
D’un point de vue d’implantations, là aussi le parc ne
paraissait plus adapté aux volumes et aux marges générées, ainsi qu’aux besoin
du consommateurs : les magasins grandioses de centre ville de métropoles,
sur les Champs Elysées mais aussi à Strasbourg par exemple, ne pouvaient plus accueillir
ce genre d’activité. Pour autant, on peut imaginer que les résultats des plus
petites entités dans les centres commerciaux (Carré Sénart…), les villes avec
une faible concurrence culturelle (Dunkerque) ou les implantations
« trafic » (Gare de l’Est) n’étaient pas si détestables que ça. Cela
pourrait justifier d’une reprise par appartement d’une partie de leur parc par
les concurrents.
On s'interrogera dans un autre post sur les enseignements qu'on peut en tirer pour la FNAC.
Pour autant, peut-on en vouloir à Butler Capital ? Il est
toujours facile d’avoir raison a posteriori, et si l’on peut imaginer que la
décision de se séparer du flagship des Champs Elysées auraient dû être prise il
y a bien longtemps, on peut aussi comprendre les difficultés pratiques, de
gestion, sociales qu’elle aurait entraîné et que le management ait reculé devant
l’obstacle.
De même, le retard pris dans le e-commerce était tel qu’il
était sans doute difficilement rattrapable sans des investissements massifs
dont la chaîne n’était plus capable.
Pourtant le combat n’était pas perdu d’avance, et le
développement régulier d’un Cultura, des Centre Culturels Leclerc, ou la
reprise de l’expansion du Furet du Nord pour n’en citer que quelques-uns montre
qu’il y a une voie dans le secteur. Un diagnostic rapide aurait pu avoir été de
fermer les grands magasins de centre-ville non rentables, d’utiliser une partie
du cash pour développer une stratégie multi canal seul ou en partenariat avec
un intervenant existant, de se concentrer sur des unités petites ou moyennes
voire de les développer, de revoir les parts de marché des univers. Facile à
dire certes.
Comme on est en France, on va donc avoir droit dans les
semaines qui viennent aux manifestations des salariés devant les magasins,
devant les tribunaux, on imagine aussi un blocage fort médiatique des Champs
Elysées ; des figures emblématiques de la gauche viendront les soutenir,
ils seront reçus par Aurélie Filipetti, Jean-Marc Ayrault et Hollande si ça se
passe mal, quelques artistes « concernés » viendront faire un concert
acoustique qui sera retransmis sur lablogotheque.fr . Et à la fin ils seront
licenciés sans prime car il n’y a plus d’argent dans les caisses depuis
longtemps, on n’est pas chez Seafrance ici. Une triste histoire peut-être. On
reparle quand de Deezer qui a levé ses 100 millions ?